Un changement transformateur pour la nature et les populations

Mieux comprendre les menaces zoonotiques et mieux y répondre

La COVID-19 nous rappelle l’importance de mieux comprendre les risques potentiels de transmission des maladies zoonotiques des espèces marines (parmi lesquelles les grands migrateurs, comme les oiseaux et les mammifères marins) à l’homme, notamment les voies d’entrée des virus, et de gérer les risques de zoonoses de manière adéquate.

Dans le système du PAM-Convention de Barcelone, le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, ou protocole «ASP et diversité biologique », constitue la principale base juridique de cet effort. Dans ce contexte, les considérations susmentionnées seront dûment prises en compte dans l’élaboration du Programme d’action stratégique pour la conservation de la diversité biologique (PAS BIO) de l’après-2020, en tenant compte également de la manière dont les questions concernées sont traitées au niveau mondial, de l’élaboration du cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique à la formulation de la réponse du PNUE, enpassant par le développement d’un programme consacré aux risques zoonotiques et à la réponse aux zoonoses et de plans d’action nationaux de réduction des risques de zoonoses, ainsi que par une ambition et un engagement accrus en faveur de nouveaux objectifs mondiaux en matière de biodiversité.

La réponse du PAM concernera lesenjeux prioritaires suivants :

  • examiner la nécessité de réévaluer les plans d’action portant sur des espèces (mammifères marins, oiseaux de mer et tortues marines, en particulier) et habitats clés dans le cadre du protocole « ASP et diversité biologique » et, le cas échéant, les réviserpour prendre en compte les questions susmentionnées;
  • étant donné que la pêche et le commerce illicites d’espèces marines ont toujours cours en Méditerranée, améliorer l’évaluation et la compréhension de la transmission potentielle de pathogènes et de maladies des espèces marines à l’homme, et renforcer les mesures d’application et de contrôle de la pêche illicite, en étroite coopération avec la CGPM de la FAO;
  • étudier les liens, et en établir, avec la mise en œuvre du Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée (protocole GISC), en ce qui concerne notamment la gestion des activités anthropiques ayant une incidence sur la sûreté et la sécurité des voies de passage des animaux sauvages et des produits dérivés de la faune,y compris l’empiètement sur les habitats, la destruction de ceux-ci et la fragmentation des paysages. Il est possible d’intégrer la préservation de la biodiversité et les préoccupations en matière de santé humaine dans les activités marines et côtières ainsi que dans la planification et le développement sectoriels dans le cadre du protocole GISC et de la planification de l’espace maritime (PEM) fondée sur lesécosystèmes;
  • évaluer les conséquences des activités humaines sur l’artificialisation des côtes, en s’appuyant éventuellement sur l’indicateur candidat 25 («changement d’utilisation du sol») dans le cadre du Programme de surveillance et d’évaluation intégrées de la mer et des côtes méditerranéennes et les critères d’évaluation connexes (IMAP) du PAM. Bien qu’il s’agisse toujours d’un indicateur candidat, donc utilisé sur une base volontaire, la riposte à la COVID-19 passe par le renforcement et l’avancement des connaissances des experts afin d’en faire un indicateur commun, dont le suivi serait obligatoire dans le cadre de l’IMAP.


Mieux comprendre les liens entre pauvreté, santé humaine et santé de l'environnement

L'évaluation des liens entre l’environnement et la santé humaine est très pertinente pour les travaux du PAM :

  • le protocole « tellurique » fournit la base juridique pour soutenir les actions en la matière, car ses dispositions prévoient explicitement la prise en compte des risques etdes conséquences potentielles de la pollution sur la santé humaine (article 7, paragraphe 1, annexe I, partie A, et annexe II, partie E). Un partenariat solide a été établi sur cette base entre le Programme d’évaluation et de maîtrise de la pollution en Méditerranée (MED POL) et l’OMS, et une unité de l’OMS a été créée au sein du Secrétariat, qui se concentre sur l’évaluation des risques pour la santé humaine liés à la pollution marine d’origine terrestre et sur les réponses à y apporter. Au cours de la dernière décennie, cette forme de collaboration avec l’OMS a pris fin et le travail dans ce domaine en a souffert. La riposte à la crise de COVID-19 est une occasion de rétablir cette collaboration en s’appuyant sur le protocole « tellurique »;
  • le protocole «ASP et diversité biologique » servira d’instrument pour étudier les liens entre la santé humaine et l’état de la biodiversité marine et côtière, et notamment pour évaluer les éventuelles voies de transmission de maladies à l’homme et les risques potentiels, pour la santé humaine, de l’introduction d’espèces non indigènes et d’espèces génétiquement modifiées ainsi que du trafic d’espèces sauvages.

La réponse du PAM concernera lesenjeux prioritaires suivants :

  • dans le cadre de la mise en œuvre du protocole « tellurique » et des plans régionaux pertinents : tenir dûment compte des risques potentiels, pour la santé humaine, de l’utilisation accrue d’articles à usage unique et de produits chimiques de stérilisation, ainsi que de produits de nettoyage et de désinfection. De nouvelles substances pourraient ainsi être ajoutées à la liste des contaminants prioritaires en Méditerranée et au programme de surveillance et d’évaluation intégrées (IMAP) ;
  • examiner la possibilité que les déchets plastiques agissent comme un substrat de transmission et de propagation des agents pathogènes et des virus dans le cadre d’un effort renouvelé pour prévenir et réduire les déchets marins en plastique ; combler le manque de connaissances dans ce domaine, en collaboration avec les institutions scientifiques ;
  • étudier l’évaluation des effets potentiels du virus et des nouvelles substances chimiques ou des substances chimiques émergentes utilisées pour sa prévention, sur la qualité des eaux de baignade et des plages en Méditerranée;
  • outre l’exécution de la feuille de route pour une proposition de désignation éventuelle de la mer Méditerranée dans son ensemble en tant que zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre (ECA SOx Med), lier, dans le cadre de la préparation del’exercice biennal 2020-2021, la stratégie méditerranéenne post-2021 pour la prévention et la lutte contre la pollution marine provenant des navires à la riposte à la COVID-19. Dans ce contexte, des mesures visant à limiter, à l’avenir, l’émission d’autres substances nocives par les navires, telles que les oxydes d’azote (NOx), doivent être envisagées. La pollution atmosphérique (liée au transport maritime) en tant que facteur aggravant pour la santé humaine et les maladies respiratoires doit faire l’objetd’une évaluation plus approfondie. La COVID-19 a mis en évidence les liens entre la pollution atmosphérique et la santé humaine, car les personnes confrontées à des niveaux de pollution atmosphérique plus élevés sont potentiellement plus vulnérables aux maladies transmises par l’air et à leurs effets physiologiques, tels que la dénudation;

Aperçu général de l’ECA SOx Med

Au niveau mondial, grâce aux règles établies par l’Organisation maritime internationale (OMI), la teneur en soufre maximale des fuel-oils utilisés à bord des navires opérant à l'extérieur d'une zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre (SOx) et de particules a été réduite à 0,50 % m/m (pourcentage massique) à compter du 1er janvier 2020. La région méditerranéenne envisage de franchir une étape supplémentaire à travers une proposition de désignation éventuelle de la mer Méditerranée dans son ensemble en tant que zone de contrôle des émissions de SOx en vertu de l’Annexe VI de MARPOL,qui s’accompagnerait d’exigences particulières pour réduire les émissions des navires conformément à une feuille de routeadoptée par la COP 21. Selon une étude technique et de faisabilité réalisée par le Centre régional méditerranéen pour l’intervention d’urgence contre la pollution marine accidentelle (REMPEC), l’ECA SOx Med ferait baisser les émissions de SOx de 78,7 % et les émissions de PM2.5de 23,7 %, si l’on établit une comparaison avec la limite globale de soufre (0,50 % m/m), contribuant ainsi à améliorer la santé humaine

  • évaluer et réduire les effets, sur les principales espèces marines et côtières, des substances chimiques nouvelles/émergentes présentes dansles produits de nettoyage et de désinfection utilisés dans le cadre de la prévention de la COVID-19, en promouvant notamment les bonnes pratiques en matière d’utilisation et d’élimination de ces substances;
  • préconiser le renforcement des réseaux d’aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne (ASPIM) et des aires marines protégées (AMP) en se fondant sur leur rôle, s’agissant de favoriser la santé environnementale, le bien-être humain et la stabilité socioéconomique.

Ces actions doivent s’appuyer sur des preuves et des études scientifiques solides. Compte tenu des ressources limitées du système PAM/PNUE pour mener de telles études spécialisées, il importe d’établir de nouveaux partenariats et réseaux, ou de renforcer ceux qui existentdéjà, avec des institutions scientifiques, de recherche et d’autres agences spécialisées, en particulier l’OMS, y compris ses structures d’évaluation et de cartographie de la vulnérabilité et des risques, comme souligné au début de ce chapitre. En outre :

  • les travaux du Centre d’activités régionales Plan Bleu du PAM sur l’observation de l’environnement et du développement et la prospective dans ces domaines joueront un rôle central dans l’évaluation des liens entre l’environnement et la santé humaine. Ces liens ont été abordés dans le Rapport sur l’état de l’environnement et du développementen Méditerranée et seront analysés plus en détail dans le cadre de l’étude prospective MED 2050. La participation du PAM à la mise en œuvre de la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques peut également favoriser les actions dans ce domaine;
  • le PAM explorera et promouvra la science citoyenne comme source importante d’informations, y compris le signalement de phénomènes inhabituels rencontrés dans le milieumarin et côtier. Les efforts dans ce domaine seront poursuivis par l’intermédiaire du Centre d’activités régionales pour l’information et la communication (INFO/RAC).


Progresser sur les crises du climat, de la biodiversité et des substances chimiques

Un changement transformateur consiste notamment à veiller à ce qu’une approche ambitieuse soit adoptée pour préserver les systèmes de soutien environnemental dans des domaines clés, dont le climat, la biodiversité et les substances chimiques. Tous ces domaines relèvent du mandat du PAM et de son rôle clé dans le maintien d’écosystèmes en bonne santé et en bon état de fonctionnement en mer Méditerranée et le long de ses côtes.

La crise de COVID-19 peut entraîner des risques d’affaiblissement de la réglementation environnementale et de son application lorsque les réponses apportées en urgence n’intègrent pas suffisamment la protection de l’environnement comme une dimension importante. La riposte du PAM peut agir sur les multiples facettes de cedéfi au travers du cadre stratégique et programmatique, des instruments juridiques et réglementaires, des mesures politiques, des activités de suivi et d’évaluation ainsi que du renforcement des capacités.

La réponse du PAM concernera lesenjeux prioritaires suivants :

  • intensifier ses efforts pour veiller au maintien et au renforcement des engagements et des actions des Parties contractantes dans le cadre de la structure et des processus de gouvernance de la Convention de Barcelone, et activités de plaidoyer avec la participation des partenaires du PAM et de la société civile. La période post-COVID-19 est l’occasion de renforcer le droit de l’environnement ainsi que sa mise en œuvre et le contrôle de son application. Ainsi, les décideurs et la société civiledevraient la mettre à profit pour faire avancer le programme environnemental avec des propositions concrètes, étayées par des évaluations solides portant notamment sur les liens entre l’environnement et la santé humaine. Une attention particulière sera accordée à la promotion de solutions et de gestion des pressions fondées sur la nature, au renforcement de l’application de l’interdiction des décharges sauvages, à l’appui à une gestion respectueuse de l’environnement des déchets municipaux, y compris médicaux, à la prévention de la dégradation illégale des écosystèmes et à la mise en évidence de l’importance de restaurer les écosystèmes dégradés (en lien avec la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes);
  • examiner les principaux éléments et questions émergentes soulevés pendant la crise de COVID-19 concernant l’élaboration de la prochaine stratégie à moyen terme 2022-2027, qui définira la vision et les priorités du PAM;
  • prendre en compte les nouveaux problèmes liés à la pollution, notamment l’augmentation des déchets médicaux et l’utilisation de substances chimiques dans le cadre de la prévention de la COVID-19, dans les travaux en cours sur la mise à jour des annexes des protocoles relatifs à la pollution;
  • réorienter l’élaboration de plusieurs instruments réglementaires et politiques ou mettre à jour ceux-ci pendant l’exercice biennal en cours afin de prendre pleinement en compte les nouveaux problèmes et les pressions que la pandémie a suscités. Parmi les instruments pertinents figurent:

    - le programme d’action stratégique post-2020pour la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles en Méditerranée (PAS BIO post-2020);
    - les nouveaux plans régionaux établis ou les plans régionaux mis à jour dans le cadre du protocole «tellurique» (plan régional sur le traitement des eaux usées municipales, plan régional sur la gestion des boues d’épuration, plan régional sur les déchets marins) et les lignes directrices pertinentes;
    - la stratégie régionale pour la prévention et la lutte contre la pollution marine par les navires ;
    - l’évaluation à mi-parcours de la Stratégie Méditerranéenne pour le Développement Durable (SMDD) et du plan d’action régional pour la consommation et la production durables (CPD) ;
    - les nouveaux plans d’action ou les plans d’action actualisés concernant les espèces et les habitats, et
    - l’ensemble de mesures régionales visant à appuyer le développement des entreprises vertes et circulaires en Méditerranée;
  • examiner et mettre à jour (le cas échéant) les programmes de surveillance établis dans le cadre de l’ambitieux Programme de surveillance et d’évaluation intégrées de la mer et des côtes méditerranéennes et Critères d’évaluation connexes (IMAP)du PAM afin de couvrir de manière adéquate les polluants nouveaux/émergents liés à la riposte à la COVID-19, qui ont des effets tant sur le milieu marin que sur la santé humaine, y compris mettre au jour les voies d’entrée. À cet égard, la liste des contaminants prioritaires du PAM pourrait devoir être mise à jour afin d’inclure ces éléments;
  • prendre en compte les effets de la COVID-19 dans les prochains documents d’évaluation du PAM sur l’environnement marin et côtier ainsi que les aspects socioéconomiques. Le rapport sur l’état de la qualité de la Méditerranée 2023 (MEDQSR 2023) abordera leséléments ci-dessus concernant les déchets municipaux et médicaux, les déchets dangereux, les déversements illégaux et non contrôlés, l’apparition de produits chimiques nouveaux/émergents, les conséquences sur le statut des espèces et habitats marins et côtiers clés, et les liens entre la santé humaine et celle de l’environnement. L’accent sera également mis sur les facteurs de pression; une évaluation de la mesure dans laquelle la réduction des activités humaines au cours des premiers mois de l’épidémie aeu des incidences sur l’état de l’environnement marin etcôtier sera notamment réalisée. La prochaine étude prospective MED 2050 examinera également les questions liées à la COVID 19 dans le cadre d’une analyse des perspectives et des scénarios;
  • évaluer les conséquences socioéconomiques de la crise de COVID-19 en mettant l’accent sur les secteurs économiques revêtant une importance particulière pour la région méditerranéenne, dont le tourisme, le transport maritime, la pêche et l’aquaculture, ainsi que les conséquences socioéconomiques de la pandémie sur les AMP. Dans ce contexte, les travaux du Centre d’activités régionalesPlan Bleudu PAM seront déterminants pour acquérir des connaissances précieuses. Le PAM aidera également les Parties contractantes à procéder à des évaluations socioéconomiques nationales axées sur les effets de la COVID-19, dans la mesure du possible;
  • compte tenu de la nécessité de fournir des efforts supplémentaires au niveau national, étudier la possibilité de soutenir davantageles Parties contractantes et de renforcer leurs capacités concernant la mise en œuvre et le contrôle de l’application du cadre juridique et réglementaire du système du PAM-Convention de Barcelone, s’agissant notamment de la gestion et de l’élimination desdéchets médicaux et des déversements illégaux. Dans ce contexte, les partenariats avec les acteurs clés de la région et la participation à l’initiative H2020 seront renforcés.