10 Jul 2019 Récit Ocean & Coasts

Un dugong orphelin devient un influenceur sur les réseaux sociaux thaïlandais

Mise à jour : couronné superstar de la conservation à la suite de son sauvetage en avril, le bébé dugong orphelin originaire de Thaïlande, Marium, est décédé en raison d'une infection à l’estomac liée à l’ingestion de plastique.

« La mort de Marium est une triste perte, mais elle marque le début d'une mission pour la protection des animaux. En effet, la survie de nombreux dugongs est menacée et nous avons préparé un plan pour les protéger », a déclaré la ministre de l'Environnement, Varawut Silpa, archa dans une interview avec le Bangkok Post.

Le ministère de l'Environnement a annoncé l'organisation d'une réunion spéciale pour discuter d'un « plan directeur national pour les dugongs » à la suite du décès de l'animal.

Un autre dugong sauvé en juillet, Yamil, âgé de trois mois, est également traité au Centre de biologie marine de Phuket.

Cette histoire est au cœur de la myriade de menaces pesant sur les espèces, telles que la surconsommation, le commerce illégal, la pollution et le changement climatique. Nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer que nos choix personnels ne menacent pas les espèces menacées.

 

« Nous avons eu de la chance qu'il soit apparu au moment opportun. Nous étions sur le point de sortir de l'eau lorsqu'il s'est montré », raconte Alex Rendell, acteur et défenseur de l'environnement thaïlandais et fondateur de Environmental Education Centre, au sujet de sa rencontre avec le bébé dugong de sept mois appelé Marium. « Je me suis rendu ici cinq fois. C’était la première fois que je voyais un dugong venir aussi près d’un bateau. Il a cru que c'était sa mère. »

Alex Rendell dirigeait une visite qui comptait quelques dizaines d'étudiants, afin de leur montrer l'habitat du dugong. Leur rencontre fortuite avec Marium, devenue depuis une star des réseaux sociaux en Thaïlande, a permis de rassurer les responsables de la conservation qui avaient du mal à identifier sa position.

Le petit dugong avait été retrouvé seul en avril 2019 près de l’île de Koh Poda, au large des côtes de la province thaïlandaise de Krabi. Mais les responsables avaient décidé de le déplacer dans une zone protégée au large de l'île de Koh Libong, à 100 kilomètres au sud-est.

« Il est plus aisé de s’occuper du dugong en captivité, mais nous pensions qu’il serait préférable pour lui de demeurer dans son habitat naturel », affirme Kongkiat Kittiwattanawong, directeur du Centre de biologie marine de Phuket.

Le seul problème que cela posait était sa surveillance. « Après trois jours passés à Ko Libong, il a commencé à errer le long de la côte », explique Kongkiat Kittiwattanawong. « Prendre soin de lui en mer peut s'avérer compliqué. »

« Désormais, Marium suit une routine. Il vient rendre visite au personnel pendant la journée pour demander son lait et peut nager librement. Nous la nourrissons tous les jours, toutes les heures ou toutes les deux heures, de 7 heures du matin à 7 heures du soir.

L’histoire du sauvetage de Marium avait initialement été gardée secrète. « Nous ne voulions pas la rendre publique : les locaux nous disaient qu'ils ne le souhaitaient pas, » explique Alex Rendell. « Ensuite, ils ont compris qu'il s'agirait d'un projet à long terme et qu'ils avaient besoin d'aide. »

Des photos de l'orphelin à la bouille ronde de l'océan sont devenues virales en Thaïlande et ont permis de recueillir 1,7 million de bahts (80 000 dollars des États-Unis) pour assurer sa protection.

Alex Rendell explique pourquoi les locaux résidant à Trang, où vivent 70% des 250 dugongs recensés en Thaïlande, ont hésité à faire connaître le cas de Marium.

« D'après mon expérience, il n'existe pas d'autres endroits où les gens ont une relation avec un animal similaire à celle que les habitants de la province de Trang entretiennent avec les  dugongs. Le dugong est pour eux un indicateur de la santé de leur océan, un signe qu’ils peuvent aller à la pêche et gagner leur vie. Si les dugongs sont éteints, cela affectera aussi leur vie. Cette relation rend les populations locales très impliquées dans leur conservation et ils sont affectueux envers les dugongs. »

Marium n'est pas encore à l'abri de tout risques. « Il ne réalise pas qu’il existe un risque d’échec », affirme Kongkiat Kittiwattanawong. « En temps normal, sa mère l'aurait emmené vers une zone plus profonde à marée basse. Toutes les nuits, nous avons du personnel qui patrouille dans la zone au cas où il se retrouverait coincé.

Un petit dugong reste auprès de sa mère jusqu'à ses un an et demi, ce qui signifie qu'une année sera encore nécessaire avant que Marium ne soit sevré du lait et des interactions humaines.

Mais Marium n'est pas le seul bébé dugong à faire la une des journaux. Un autre petit orphelin, Yamil, âgé de trois mois, a été retrouvé début juillet. L’équipe de Kongkiat Kittiwattanawong s’occupera également de lui.

Bien que le dugong revête depuis longtemps un intérêt particulier pour les chercheurs et les écologistes thaïlandais, l’avenir de l’espèce pourrait connaitre des difficultés.

« Nous disposons de zones protégées », affirme Kongkiat Kittiwattanawong. « L’important est de pouvoir limiter les activités humaines dans ces zones. Près de 90% des dugongs se retrouvent échoués car ils s'enchevêtrent dans des équipements de pêche. »

La population des dugongs est appréciée dans certaines régions de la Thaïlande, mais ailleurs, les dugongs sont chassés pour leur viande et les parties de leurs corps utilisées à des fins médicinales dont l'efficacité n'est pas prouvées. En conséquence, la population mondiale de dugongs ne représente qu'une fraction de ce qu’elle était il ya 50 ans.

« Je crois que la situation va beaucoup s’améliorer et c'est utile d’avoir des cas comme ceux de Marium et d’autres bébés pour accroître la sensibilisation des citoyens. Les gens sont attentifs et essaient de faire plus et de mieux comprendre la conservation », affirme Kongkiat Kittiwattanawong.

La campagne Wild for Life d’ONU Environnement s’efforce de sensibiliser les citoyens aux menaces qui pèsent sur cet adorable habitant des océans ainsi que sur 24 autres espèces actuellement vulnérables ou en danger.

Pour sa part, en plus de son travail de conservation, Alex Rendell se joint à Amanda Cerny et ils ont choisi le dugong comme son espèce soeur de la campagne Wild for Life.

« En Thaïlande, une croyance ancienne affirme que les larmes du dugong constituent un puissant philtre d'amour », explique Rendell. « Pour moi, cela signifie que si vous vous engagez un jour dans la conservation des dugongs, rien ne vous arrêtera. Les dugongs sont trop merveilleux.