06 Jul 2018 Récit Ocean & Coasts

L'interdiction de l'importation des déchets par la Chine lève le voile sur les problèmes mondiaux du recyclage mais offre également des…

La décision de la Chine d'interdire les importations de déchets en provenance de l'étranger, dont certains plastiques, s'est répercutée dans le monde entier, les opérations de recyclage dans de nombreux pays rencontrent des difficultés pour s'adapter à cette nouvelle réalité. Mais des opportunités se cachent-elles dans cette crise ?

Certains experts affirment que les pays développés devront désormais faire face au véritable coût de leur addiction au plastique plutôt que de transférer le problème vers la Chine qui traitait près de la moitié des déchets mondiaux produits depuis 1992.

Cette situation pourrait stimuler l'investissement nécessaire à la mise en place d'installations de recyclage domestiques et à l'innovation dans la fabrication de plastique pour rendre les produits plus adaptés à la réutilisation. La campagne publique plaidant pour la fin de notre culture jetable pourrait quant à elle bénéficier de cette nouvelle donne.

L'an dernier, la Chine a décidé d'interdire les importations de 24 catégories de déchets solides, y compris certains types de plastiques, de papier et de textiles, en raison de préoccupations environnementales et de santé. La Chine cherche également à améliorer son économie et à gérer plus efficacement ses propres monticules de déchets. Les déchets importés augmentait de 10 à 13% les niveaux de déchets produits par le pays.

Un autre problème de l'importation de déchets était leur qualité médiocre qui rendait le recyclage plus difficile et, par conséquent, affectaient les profits des entreprises chinoises impliquées.

L'interdiction est entrée en vigueur en janvier et les effets se font maintenant ressentir.

Dans une étude récente, publiée en juin dans Science Advances, des scientifiques de l'Université de Géorgie (UGA) ont découvert que 111 millions de tonnes de déchets plastiques seraient déplacées à l'horizon 2030 suite à la nouvelle politique chinoise. Toutes ces déchets devront atterrir ailleurs.

« Sachant que la production et l'utilisation de plastique continuent d'augmenter et que les entreprises et les pays s'engagent dans des économies circulaires et augmentent les taux de recyclage des plastiques, la quantité de déchets plastiques nécessitant un point de chute continuera à augmenter dans un avenir proche », affirme le rapport.

« Sans l'émergence de nouvelles idées audacieuses et des stratégies de gestion, les taux de recyclage actuels ne seront plus atteints, les objectifs ambitieux et les échéances pour la croissance future du recyclage seront alors insurmontables. »

L'interdiction commence déjà à se faire ressentir. Le Washington Post affirme que des États comme le Massachusetts et l'Oregon lèvent des restrictions sur le déversement de matériaux recyclables dans les décharges.

L'AFP signale que d'importants stocks de matières recyclables s'accumulent aux États-Unis, certaines municipalités déclarant qu'elles ne collecteront plus certains matériaux ou ne les enverront plus dans les sites d'enfouissement, tandis que certaines entreprises de recyclage stockeront les déchets supplémentaires en plein air ou dans des parkings.

« Notre équipe suit et suivra de près les rapports et les impacts de l'interdiction et anous savons que des déchets s'accumulent à l'intérieur des frontières des pays qui ont dépendu de la Chine ou d'autres pays pour importer leurs déchets plastiques depuis de nombreuses années », a déclaré Amy Brooks. doctorant au College of Engineering d'UGA et auteur principal de l'étude sur les déchets plastiques.

L'interdiction a également révélé des faiblesses systémiques dans les processus de recyclage aux États-Unis. La National Recycling Coalition (NRC) a déclaré en mai que l'interdiction exposait les problèmes causés par les matières recyclables souillées. L'introduction du recyclage à flux unique aux États-Unis, qui mélange le papier, le métal, le verre et les matières plastiques, signifie que les matières recyclables sont moins pures et moins précieuses.

« La bonne et la mauvaise nouvelle est que l'enthousiasme des clients pour le recyclage est fort. Le public veut recycler, mais il exprime cet enthousiasme en recyclant des matériaux inadéquats. Nous avons affaire à la fois à une "volonté de recyclage" et à un manquement de la qualité requise qui s'avère très préjudiciable à l'industrie : des marchés abyssaux et instables, des produits souillés qui ne sont pas une "marchandise" fiable, des usines fermées et des programmes qui souffrent économiquement » a déclaré Marjorie Griek, directrice exécutive du NRC dans un communiqué.

« Nous ne pouvons pas continuer à agir ainsi et de nous comporter comme si le statu quo offrait une solution aux problèmes actuels. Nous devons changer radicalement la façon dont nous parlons au public, la manière dont nous collectons et traitons nos matières recyclables, et ce que nos marchés finaux sont en mesure d'accepter et utiliser pour réellement recycler », a déclaré Marjorie Griek.

De tels changements prendront évidemment du temps. C'est vrai aussi pour la mise en place de nouveaux investissements dans les installations de recyclage afin de combler le vide laissé par la Chine (qui a importé environ 7 millions de tonnes de déchets en 2016). Cela est d'autant plus inquiétant quand on sait qu'à ce jour, seulement 9% des déchets ont été recyclés dans le monde, la plupart d'entre eux finissant dans les décharges ou dans l'environnement, y compris dans nos océans.

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Des bouteilles en plastique sont triées pour être recyclées au Vietnam, un des pays qui importe la plupart des déchets actuellement frappés par l'interdiction prononcée par la Chine.

Certains pays développés ont réagi à l'interdiction en envoyant leurs déchets dans d'autres pays d'Asie du Sud-Est, comme la Thaïlande et la Malaisie, et certains recycleurs chinois ont ouvert des usines de traitement dans les pays voisins pour profiter de cette nouvelle activité.

Cependant, les experts soulignent que certains de ces pays n'ont pas la capacité de faire face à l'afflux de déchets et envisagent déjà d'imposer leurs propres restrictions. Une autre préoccupation est que l'Asie compte cinq des plus grands pollueurs de plastiques marins au monde et qu'envoyer davantage de déchets dans des pays qui ne sont pas assez équipés pour les traiter ne fera qu'exacerber ce problème.

Selon le Financial Times, les exportations britanniques de déchets vers la Malaisie ont triplé depuis l'interdiction chinoise, l'industrie du recyclage domestique étant considérée comme languissante et sous-financée.

Peter Skelton, de l'organisation de développement durable WRAP, estime que le gouvernement, les entreprises de gestion des déchets et les autorités locales peuvent relever le défi.

« Nous dépendons des marchés d'exportation pour une grande partie de notre recyclage et cela doit changer. À certains égards, c'est une décision forcée », a déclaré Peter Skelton. « Les organisations de gestion des déchets et de recyclage ont réagi de façon remarquable... car elles voient le paysage changer », a-t-il déclaré.

Les gouvernements ont également un rôle à jouer en investissant dans le recyclage et la gestion des déchets, a-t-il ajouté. Le gouvernement britannique devrait publier une stratégie sur les déchets et les ressources plus tard dans l'année.

Amy Brooks d'UGA est d'accord que les gouvernements doivent intensifier leur action en informer les citoyens au sujet du recyclage et en encourageant l'innovation.

« Les gouvernements peuvent gérer la multitude de solutions interdépendantes en améliorant la gestion des infrastructures et des déchets tout en encourageant l'investissement dans des solutions en amont telles que des technologies de recyclage améliorées, des matériaux bio-inoffensifs alternatifs et le développement et la conception de produits/systèmes qui génèrent moins de déchets. », a-t-elle déclaré.

L'interdiction peononcée par la Chine a également mis en lumière l'état inquiétant de la réglementation internationale sur les déchets plastiques.

L'étude de l'UGA fait valoir que la Convention internationale de Bâle, qui régit l'exportation de déchets dangereux et autres, pourrait être appliquée aux déchets plastiques si ce dernier était qualifié de « déchet nécessitant une attention particulière ». La réglementation pourrait alors être telle que les connaissances devraient être partagées et les normes harmonisées.

L'un des effets secondaires potentiellement positifs de l'interdiction de la Chine a été d'attirer l'attention sur la nécessité d'une économie circulaire plus durable, où les ressources telles que les plastiques seront utilisées aussi longtemps que possible. Cependant, en raison des prix du pétrole relativement bas, le plastique vierge est moins cher que le plastique recyclé - un obstacle financier qui doit être surmonté.

« Il s'agit clairement d'une situation complexe sur le plan financier et social », affirme Amy Brooks. « Je préfère rester optimiste quant à l'amélioration de notre relation avec le plastique, malgré certaines barrières financières. Chaque personne joue un rôle dans notre utilisation mondiale du plastique et l'économie circulaire peut être intégrée dans cette relation afin que les déchets soient plus précieux et moins susceptibles de finir dans l'environnement. »

Les autorités européennes semblent avoir reconnu la valeur inhérente aux plastiques. La stratégie de la Commission européenne sur les matières plastiques, dévoilée en janvier dernier, affirme sa volonté de rendre tous les emballages en plastique recyclables ou réutilisables à l'horizon 2030, elle pourrait être créatrice de 200 000 emplois, à condition que la capacité de recyclage de l'Europe soit multipliée par quatre.

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un homme jette de la mousse de polystyrène : un homme trie la mousse de polystyrène pour son recyclage en dehors de Pékin avant l'entrée en vigueur de l'interdiction.

Selon Amy Brooks, et sa co-auteure Jenna Jambek, professeure agrégée au College of Engineering d'UGA, l'interdiction de la Chine devrait servir d'avertissement et d'opportunité pour améliorer la gestion domestique des déchets plastiques et accélérer les investissementsr dans la technologie et les nouvelles initiatives.

« L'essentiel est qu'à l'avenir nos solutions intègrent toutes les parties prenantes, les citoyens, les gouvernements et l'industrie, à la fois localement et internationalement », déclare Amy Brooks.