30 Aug 2018 Récit Ocean & Coasts

Lewis Pugh achève sa "nage de protestation" héroïque dans la Manche et lance un appel urgent pour sauver nos mers

Au terme d'une nage difficile record dans la Manche, le long de la côte anglaise, Lewis Pugh a enfin pu toucher le mur du port de Douvres, l'arrivée de son périple, avant de lancer ses poings dans l'air. Il s'est ensuite lancé une dernière fois dans les vagues agitées pour atteindre la plage de galets balayée par la pluie et le vent longeant les célèbres falaises blanches de Douvres.

"Je suis à la fois exténué et euphorique", a-t-il déclaré alors qu'il grimpait vers la ligne d'arrivée, encouragé par une foule de gens emmitouflés dans des imperméables ou blottis sous des parapluies.

Le secrétaire britannique à l'Environnement, Michael Gove, figurait parmi les spectateurs rassemblées pour saluer le nageur et militant pour la protection des océans, devenu la première personne à franchir la Manche en maillot de bain Speedo, lunettes et bonnet de bain.

Depuis son départ de Land's End en Cornouailles le 12 juillet 2018, Lewis Pugh a dû batailler avec une mer agitée, endurer des piqûres d'énormes méduses, supporter la douleur des tendinites à l’épaule et surmonter des doutes nocturnes tout au long de son parcours d'environ 530 km le long de la côte sud de l’Angleterre.

Lewis Pugh a enduré tout cela pour une seule raison: faire passer le message aux gouvernements qu’ils doivent s’engager à protéger au moins 30% des océans du monde d’ici 2030.

Même à la dernière heure de ce Long Swim d'une durée de 49 jours, les eaux changeantes de la Manche ont cherché à contrecarrer l'homme connu sous le nom d'ours polaire humain. Au large de Dungeness dans le Kent, le dernier cap qu'il devait franchir, des conditions orageuses ont empêché Lewis Pugh de sortir de l'eau deux jours durant, suscitant des doutes quant à sa capacité de finir la nage à temps. Mais les nuages se sont finalement levés, et grâce à une série de nages nocturnes et des bâtons lumineux pour éclairer son itinéraire, le nageur a pu se remettre sur la bonne voie.

Il a bouclé mercredi dernier les 4 derniers kilomètres de son périple vers la plage de Shakespeare Cliff à Douvres. Comme il se doit, le ciel était gris, les vents forts et la mer semblait fougueuse alors qu'il s'apprêtait à sauter hors du navire de soutien et s'élançait vers la plage avec des mouvements de bras fermes et déterminés.

Lewis Pugh reaches the White Cliffs of Dover after having swum the length of the English Channel – more than 530 km.
Lewis Pugh atteint les falaises blanches de Douvres après avoir nagé le long de la Manche, une distance de plus de 530 km.

"C’était une nage unique. C’était une baignade immense... De loin, la nage la plus difficile que j’ai jamais entreprise", a déclaré Lewis Pugh, protecteur des Océans d’ONU Environnement et ardent défenseur de la campagne Océans Propres, lancée par l'organisation.

Un aveu ahurissant de la part de la première personne à avoir effectué une nage de longues distances dans tous les océans du monde. En 2007, Lewis Pugh a en effet réussi sa première traversée du pôle Nord dans le but de souligner la fonte de la banquise arctique et, en 2010, il a traversé un lac glaciaire du mont Everest pour attirer l’attention sur la fonte des glaciers et l’impact de la diminution de l'approvisionnement en eau sur la paix mondiale.

Encore une fois, le plus important était le message véhiculé.

"L'importance de cette nage n’à rien à voir avec être la première personne à nager le long de la Manche. Je la décrirais plutôt comme une course de protestation", a t-il déclaré. "C’était une nage faite pour mettre en lumière ce qui se passe dans nos océans et pour vraiment tenter d’amener les leaders mondiaux à comprendre à quel point c’est grave et à quelle vitesse nos océans évoluent."

Lewis Pugh nageait entre 10 et 20 km par jour. Au cours de ces nages, il a recueilli des morceaux de déchets plastiques et même des ballons gonflables rejetés dans la mer. Il a également souligné à quel point la vie sauvage était peu présente.

"J'ai vu des oiseaux, quelques dauphins, une tortue et pas grand chose d'autres. Si on exclut les nombreuses méduses. Les méduses sont une conséquence du réchauffement des eaux et de la surpêche. C'était vraiment choquant de voir si peu d'espèces sauvages et autant de pollution plastique," a t-il affirmé.

"C'est presque comme si nous avions retiré tous les poissons de l'océan et les avons remplacés par des déchets plastiques. Nous devons rapidement maîtriser ces deux problèmes : mettre fin à l'utilisation de plastiques à usage unique évitables et mettre fin à la surpêche. Si nous ne le faisons pas nos enfants et nos petits-enfants n'auront pas un avenir durable, toute la faune incroyable de nos océans sera ravagée, c'est ce qu'il est train de se produire en ce moment même. "

En chemin, Lewis Pugh a tout de même des raisons de se réjouir. Des hommes et des femmes venaient nager avec lui, nettoyer les plages et en apprendre davantage sur les menaces qui pèsent sur nos océans. Il a également rendu hommage à son équipe de soutien et souligné que nager 530 km dans la Manche n'a rien d'un sport solitaire.

"Ce qui est devenu vraiment évident pour moi, c’est à quel point le public britannique se sent profondément concerné par ce qui se passe dans ses océans. Les gens se promènent sur les plages, ils voient les déchets plastiques, ils parlent avec les pêcheurs qui rencontrent des difficultés à gagner leur vie par la pêche", a t-il dit.

"Les citoyens lambda peuvent faire beaucoup de choses, mais en fin de compte c'est le gouvernement qui doit prendre les devants", a-t-il ajouté.

Avant de se rendre à Douvres, M. Pugh a rencontré le secrétaire à l’Environnement, Michael Gove, sur son navire de soutien, afin de lui demander d'en faire davantage pour protéger les eaux britanniques. Lewis Pugh a en effet déclaré que le Royaume-Uni n'avait protégé que 7 de ses 750 000 kilomètres carrés de ses eaux territoriales.

Se tenant à côté du nageur encore dégoulinant d'eau de mer sur la plage venteuse, M. Gove a reconnu qu'il fallait faire plus.

"Lewis est incroyable. C'est un héros moderne ... Ce "Long Swim" a vraiment attiré l’attention de tous sur l’importance de nos mers et combien il est essentiel pour nous de les protéger et de les restaurer, et de s'assurer que cette ressource environnementale incroyable sera là pour les générations futures... Le courage, le cran et l'incroyable dévouement de Lewis sont un exemple pour nous tous", a déclaré M. Gove sur Sky News, qui a soutenu cette campagne de sauvetage océanique, Ocean Rescue.

Bien qu'épuisé mentalement et physiquement, Lewis Pugh n’a pas l’intention de se reposer sur ses lauriers. Il participera au sommet du G7 sur les océans et les changements climatiques à Halifax, en Nouvelle-Écosse, en septembre, puis se concentrera sur les négociations visant à protéger les océans au-delà des juridictions nationales, à New York en septembre.

Et même avant la fin de cette baignade gigantesque, Lewis Pugh avait déjà prévu de pousser son corps encore plus loin. "Il s’agit d’une campagne mondiale et je prévoirai des nages similaires dans d’autres pays pour les inciter à se joindre à cet appel pour qu'au moins 30% de nos eaux soient protégées d'ici 2030."

Lewis Pugh n'est pas encore prêt à dire où sa prochaine baignade aura lieu, mais il affirme que c'est en projet. Pour l'instant, cependant, après avoir relevé un défi qu'il qualifie comme "l'Everest de la natation", M. Pugh a besoin de se reposer.