28 Mar 2019 Récit Utilisation rationnelle des ressources

Transformer les déchets en atout à Aqaba, en Jordanie

La Jordanie est confrontée à des difficultés croissantes en matière de gestion des déchets. Le poids total des déchets solides municipaux générés par les pays est passé de 2,6 millions de tonnes en 2014 à près de 3 millions de tonnes en 2017.

Cette nation n’est pas la seule à faire face à ce problème mondial. Malgré des taux de recyclage supérieurs à 50% dans des pays tels que l’Allemagne et la Corée du Sud, partout dans le monde, nous gaspillons un tiers de la nourriture que nous produisons et la laissons pourrir aux côtés de déchets plastiques, de papiers et de métaux qui auraient pu être réutilisés ou recyclés. Tous ces déchets entraînent non seulement l’épuisement des ressources de la planète en constante diminution, mais accélèrent également les changements climatiques, les décharges émettant du méthane, un gaz qui contribue à réchauffer le climat.

En Jordanie, cependant, la ville balnéaire d’Aqaba commence à appliquer des approches circulaires consistant à réduire le gaspillage et à transformer les déchets inévitables en un atout grâce à la création d’emplois dans le secteur de la gestion des déchets, ce qui constitue un argument commercial en faveur d’approches économes en ressources et qui permettent aux communautés vulnérables d’obtenir des revenus.

La ville, réputée pour ses eaux claires et ses récifs coralliens, rejette 150 tonnes de déchets solides par jour, notamment en provenance des restaurants et les hôtels. Soutenue par l’Union européenne et ONU Environnement par le biais du programme européen SWITCH Med, l’Association jordanienne de l’énergie, de l’eau et de l’environnement a collaboré avec 15 hôtels et 17 restaurants pour réaliser un audit sur les déchets générés et trouver des moyens de réduire les effets négatifs de leur rejet dans l’environnement.

Des hôtels haut de gamme tels que l’Inter Continental Aqaba Resort, le Movenpick Aqaba, le Double Tree by Hilton et le Kempinski Aqaba ont participé à ce projet.

« En tant qu’hôtel, nous avons énormément bénéficié du projet : nous avons compris combien de déchets nous produisons et quel pourcentage de ces déchets étaient organiques ou solides », explique Adbulla Radaideh, ingénieur en chef du complexe Intercontinental Aqaba. « Nous disposons maintenant d’objectifs pour minimiser notre production de déchets. »

Le projet a contribué à former le personnel aux pratiques de la gestion des déchets et préparé des plans pour que les entreprises participantes réduisent les déchets mis en décharge de 25%. Les économies proviennent de mesures simples, telles que des menus révisés et une meilleure gestion des aliments, notamment en veillant à ce que les produits à courte durée de conservation soient utilisés en premier lieu, en fournissant des assiettes plus petites pour les buffets afin d’éviter le gaspillage alimentaire et en recyclant les métaux et les plastiques.

Maintenant, la ville envisage des incitations pour impliquer davantage d’entreprises. Actuellement, les hôtels paient une taxe fixe pour la collecte de leurs déchets en fonction de leur surface construite. L’Autorité de la zone économique spéciale d’Aqaba est sur le point de réduire les frais de collecte pour les hôtels qui gèrent mieux leurs déchets.

« Nous avons la possibilité d’appliquer à Aqaba un modèle de développement durable qui profiterait à tout le monde, qu’il s'agisse du gouvernement ou de la collectivité locale », affirme Hotaf Yassein, chef de la division de l’économie verte de l’Autorité de la zone économique spéciale d’Aqaba. « Les hôtels peuvent bénéficier de l’incitation financière et les déchets peuvent être utilisés comme engrais. C’est une situation gagnant-gagnant. »

Le projet fournit également des moyens de subsistance, en mettant l’accent sur l’autonomisation des femmes, en formant les communautés locales au “upcycling” (processus de transformation des déchets en produits de plus grande valeur). Les femmes d’Aqaba et des environs ont appris à fabriquer des objets artisanaux à partir de déchets, tels que des chandeliers à partir de boîtes de conserve défectueuses. Cela permet d’augmenter les revenus et réduit encore les déchets mis en décharge.

Latifa Abdullah Mahameed est l’une de ces femmes. Latifa, 45 ans, a perdu sa mère et son frère en 2018, il lui fallait alors trouver des ressources pour subvenir à ses besoins, ainsi qu’à ceux de sa soeur divorcée. Elle œuvre maintenant à revaloriser les déchets en papier et en tissu recyclé et elle est passionnée par l’acquisition de nouvelles compétences.

« J’ai pu obtenir un travail intéressant qui me permet de contribuer à la sauvegarde de l’environnement », a déclaré Latifa.

Les femmes louent maintenant des locaux pour élaborer et vendre leurs produits, notamment dans un marché qui prend place dans un grand hôtel d’Amman, la capitale jordanienne.

Ce ne sont peut-être que des débuts modestes, mais les succès de ce projet pilote devraient être concrétisés au plan national grâce au partage des enseignements et à l’institutionnalisation des bonnes pratiques. Le projet a mis au point un programme national de formation à la gestion des déchets solides, auquel participe le gouvernement national.

« Ce sera un projet environnemental, économique et social qui générera de nombreux emplois et, si Dieu le veut, aura des effets positifs sur le terrain », affirme Ahmad Al Qatarneh, secrétaire général du ministère de l’environnement.

En savoir plus sur notre travail pour l’utilisation rationnelle des ressources.

Cet article fait partie d’une série de récits mettant en lumière les travaux de ONU Environnement et publiés dans notre Rapport annuel 2018.