04 Jan 2019 Récit Nature Action

Le retour du jaguar

Le « réensauvagement » ou « reconstitution des espaces sauvages » (« rewilding » en anglais est un mot à la mode parmi les défenseurs de l'environnement de nos jours. Cette tendance consiste à aider la nature à se rétablir grâce à la restauration des espèces disparues, la biodiversité et les processus naturels dans les zones touchées par l'activité humaine.

La faune et la flore mondiale se sont effondrées au cours des 100 dernières années, alors que la population humaine et l’activité économique, notamment l’agriculture commerciale, se sont multipliées. Cependant, nous nous rendons de plus en plus compte que la survie de l'homme sur la planète exige des zones protégées bien gérées où une flore et une faune diverses peuvent s'épanouir. La nature fournit un éventail de services écosystémiques qui, dans de nombreuses régions du monde, sont trop rapidement dégradés par l’exploitation humaine de l’habitat naturel.

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Photo : Douglas Tompkins

En décembre 2018, le Congrès argentin a adopté une loi approuvant la création du parc national Iberá d'une superficie de près de 160 000 hectares, assurant ainsi la protection à long terme de cette zone. Douglas et Kristine Tompkins, deux entrepreneurs prospères originaires des États-Unis, ont acheté ce terrain par l'intermédiaire de deux fondations, Conservation Land Trust et Flora and Fauna Argentina, qui ont finalement fait don de la propriété au public pour ensuite devenir un parc national.

« Nous nous réjouissons de l'annonce faite aujourd'hui », a déclaré Kristine Tompkins, présidente de Tompkins Conservation, le jour de l'adoption de la loi. « Pour la vie sauvage ici, pour le peuple argentin et pour les générations futures qui découvriront la beauté et la biodiversité de ce paysage incroyable, la désignation de ce nouveau parc est une grande victoire. »

Le parc national récemment désigné jouxte une zone protégée beaucoup plus vaste (d'une superficie de 553 000 hectares), le parc provincial Iberá, et crée ainsi une immense bande contiguë tournée vers l'une des plus grandes zones humides d'eau douce d'Amérique du Sud. Le parc Iberá est le plus grand parc naturel d'Argentine.

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Photo : Florian Von Der Fecht

« C’est une victoire fantastique de Kristine Tompkins, marraine d’ONU Environnement pour les aires protégées, et de feu son époux », a déclaré la coordinatrice de la campagne Wild For Life d'ONU Environnement, Lisa Rolls. « La campagne explore actuellement un changement stratégique allant dans le sens de la tendance "rewild for life" », ajoute-t-elle.

On estime que dans 10 ans, le parc Iberá accueillera plus de 100 000 visiteurs par an, ce qui contribuera à la prospérité économique des communautés locales environnantes, où la croissance de l'éco-tourisme a été importante.

Le 6 juin 2018, deux bébés jaguars sont nés dans le parc Iberá, un jour historique couronnant les efforts de reconstitution des espaces sauvages menés par Tompkins Conservation. Ce sont les premiers jaguars nés dans cette région depuis des décennies.

Le jaguar est le plus grand et l'un des félins les plus emblématiques d'Amérique. Malheureusement la chasse, la perte d'habitat et d'autres menaces ont mis l'espèce en danger d'extinction en Argentine. Avec une diminution de 95% de leur répartition d'origine, on estime actuellement que seulement 200 individus environ vivent encore à l'état sauvage, répartis principalement dans des parcelles isolées de la jungle de la province de Misiones et dans les forêts en pente montagneuse des provinces de Salta et de Jujuy.

Le programme de conservation pionnier pour la réintroduction du Jaguar a débuté en 2011. L'équipe d'Argentine, constituée de scientifiques, de vétérinaires, d'acteurs de la communauté et de décideurs, a pour objectif de créer une génération de jaguars qui pourraient être relâchés dans leur habitat naturel et survivre de manière autonome dans la nature. Grâce aux cinq jaguars adultes nés dans des de zoos et des centres de sauvetage d'Amérique du Sud (qui ne sont pas candidats à la libération mais qui peuvent se reproduire) et plus de 700 000 hectares d'habitat grouillant de caïmans, de capybaras et d'autres sources de nourriture, le programme de réintroduction du Jaguar à Iberá possède un potentiel incroyable pour le retour de cette espèce d’importance écologique et culturellement emblématique.

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Photo : Emanuel Galetto

Le parc abrite non seulement les premiers bébés jaguar, mais abrite également des populations d'espèces auparavant perdues, comme le fourmilier géant, le cerf de la pampa, le tapir, le pécari à collier et l'ara rouge.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Lisa Rolls : Lisa.Rolls[at]un.org